La Présidente

Adrienne Corboud Fumagalli, présidente de la ComCom

Les télécommunications sont des infrastructures indispensables de la vie quotidienne, que ce soit la communication, le commerce, la mobilité et la sécurité publique. Le développement de ce marché a longtemps été laissé aux mains des acteurs du secteur. Grâce au garde-fou du service universel, cela a suffi à garantir une desserte de qualité. Mais les temps changent et le besoin en réseaux beaucoup plus puissants apparaît avec la digitalisation de l’ensemble des activités de la société.

Alors que le concept de Gigabit Society a été introduit au niveau de l’Union Européenne en 2016 avec pour objectif à terme des débits minimums de 100 Mbit/s pour les foyers, la Suisse voyait apparaître les premières interventions politiques de promotion d’une stratégie de très haut débit (p. e. l’initiative cantonale du Tessin, avril 2016). Certes, la question était ici moins brûlante que dans d’autres pays. La Suisse bénéficie d’une infrastructure de qualité, déployée par les différentes entreprises fournissant des services de télécommunication. Il n’y avait pas d’urgence car le réseau cuivre de l’opérateur historique a gardé toute sa puissance, « boostée » par des innovations technologiques permettant d’atteindre partout des vitesses largement supérieures aux minima requis pour le service universel. Les réseaux actuels ont d’ailleurs prouvé leur niveau de résilience pendant la crise sanitaire (COVID) permettant de nouvelles formes de travail et d’enseignement.

La capacité des télécommunications via des réseaux mobiles se développe également. La 5G permet de répondre aux besoins liés à des modes de consommation de plus en plus mobiles. Cette nouvelle technologie a démontré son efficacité, et ceci en garantissant une exposition aux immissions bien en-deçà des règles de précaution très strictes adoptées par la Suisse depuis des décennies, comme l’indique le premier rapport de monitoring du rayonnement non ionisant de l’OFEV paru en 2022. Ces constatations devraient pouvoir lever en partie les craintes de la population.
 
Face aux solutions existantes, on peut se demander si aujourd’hui, dans le domaine filaire, il est nécessaire d’augmenter la puissance minimale du service universel en tant qu’instrument d’intégration sociale. Le but de la régulation est d’empêcher l’abus de position dominante. Cette préoccupation a mis en évidence que la Suisse dispose de réseaux complémentaires basés sur des technologies variées, toutes permettant d’offrir à l’heure actuelle des services de haut débit (cuivre, fibre, réseaux câblés, mobile). Tacitement, il y a une reconnaissance de la nécessite de neutralité technologique même si la tâche de la ComCom reste limitée à la régulation du cuivre.
 
Suite au souhait du législateur et du Conseil fédéral, la Suisse bénéficiera dès 2024 d’un service universel à 80 Mbit/s alors que la plupart des pays doivent se contenter de 10 Mbit/s au maximum. Cette modification du service universel constitue une étape intermédiaire sur le chemin d’une véritable stratégie de très haut débit en tant qu’instrument non seulement d’intégration sociale mais également de promotion économique. Qui dit très haut débit dit fibre optique et réseaux 5G et plus. Or la Suisse est en retard par rapport aux pays de l’OCDE dans le déploiement de la fibre optique, technologie essentielle pour une véritable stratégie de très haut débit orientée vers le futur avec l'augmentation actuelle et surtout future de la demande pour des services en ligne tels que le streaming vidéo, la vidéoconférence, le cloud computing et des applications nécessitant une bande passante élevée comme par exemple dans le secteur de la santé ou des temps de réaction quasi instantanée dans le domaine de la sécurité.

Pour permettre la concrétisation d’une stratégie digitale nationale, une série de sujets fondamentaux doivent encore être également abordés. Il s’agit de la garantie de la sécurité des données dans un monde globalisé, de la transparence de l’origine des algorithmes, de la portée éthique des outils dit d’intelligence artificielle tels que les assistants conversationnels (chatbots).

Les politiques de réglementation des télécommunications en Europe sont en constante évolution. Les discussions portent souvent sur la façon dont les règles peuvent être adaptées pour encourager l'investissement dans les infrastructures de télécommunication et garantir la protection des consommateurs, tel que les conditions pour la sécurité des réseaux de télécommunication, une préoccupation croissante en Europe.

Plusieurs sujets devraient être pris en compte dans les réglementations des usages des services de télécommunication orientés vers le futur. Les nouvelles technologies telles que l'Internet des objets (IoT) et la réalité virtuelle (VR) sont en train de transformer l'industrie des télécommunications. Il s’agit d’intégrer les questions de symétries des communications et de la latence pour s’assurer que les services et les expériences des utilisateurs permettent une véritable intégration des services numériques dans le quotidien, réduisant le fossé entre villes et campagnes, et aussi entre générations.

On le voit, l’industrie des télécommunications est au centre des changements importants de la société. La ComCom ne devrait pas être reléguée à un rôle d’arbitre d’une époque technologique bientôt caduque. Certes, son rôle essentiel dans l’attribution des fréquences lui permet de contribuer activement à la transformation de la société vers une « gigabit society » helvétique. Composée d’experts, la ComCom s’engage volontiers dans cette voie.

 

Adrienne Corboud Fumagalli, présidente
Mars 2023

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